Déceptions, dating fatigue… On ne badine plus avec les applis de rencontres
Echecs et match (3/5)•Sur Tiktok, des utilisateurs d’appli de rencontres témoignent de leur lassitudeVictoria Berne
L'essentiel
- Sur Tiktok, de plus en plus de personnes expliquent leur lassitude des applications de rencontres et expriment leur envie de revenir à des rencontres « dans la vraie vie ».
- Pour comprendre ce phénomène, 20 Minutes a interrogé les personnes qui s’étaient exprimées sur le réseau social.
- De plus en plus d’utilisateurs désinstallent les applications de rencontre. Loin d’être une solution, sommes-nous encore en capacité de faire des rencontres dans la « vraie vie » ?
Si le dating fatigue est un sujet qui ne date pas d’aujourd’hui, cette idée revient depuis quelque temps sur TikTok. De plus en plus de personnes semblent appliquer à la lettre le slogan de l’une de ces apps, Hinge, « une application faite pour être supprimée », mais visiblement, ce n’est pas parce qu’elles ont trouvé l’amour…
Eux qui ont grandi avec les applications, seraient-ils en fin de compte envieux d’un temps ou les rencontres se faisaient dans la « vraie vie » ? Cet appel à la suppression des sites de rencontres sur TikTok témoigne-t-il de la fin de l’exploitation commerciale de l’amour ?
« Si tu veux le rencontrer, sors »
« Tu ne trouveras pas l’amour sur une application de rencontre. Si tu veux le rencontrer, sors » explique Mariama (@nubianmuse) dans une vidéo sur son compte TikTok. En scrollant sur cette application, il n’est pas rare de tomber sur des vidéos témoignages de jeunes femmes ou jeunes hommes. Ecouter ces vidéos permet de mettre le doigt sur les évolutions des mœurs et des usages. Car cette génération, a grandi avec les réseaux sociaux, et d’une certaine façon, elle a grandi avec les applications de rencontre.
À 33 ans, Clara* se rend à la deuxième édition de Dating Anonyme. Crée par Arnaud Poissonnier, cet événement propose une discussion entre personnes déçues des applications de rencontre et un expert. Entre plusieurs témoignages, Clara explique comment ses applications ont façonné sa vie amoureuse depuis l’adolescence. Mais comme les autres participants de cette rencontre, elle pointe du doigt l’aspect chronophage et usant de cette pratique. « C’est devenu l’exploitation de la misère humaine », poursuit une autre participante.
« Sur TikTok, je vois que ce ras-le-bol touche beaucoup de générations confondues. Je ne pense pas que ce sentiment touchait autant de personnes. » s’étonne Mariama. Ce sentiment, Marina (@dealeuse.dart) le constate aussi. « Quand je vais sur TikTok, je vois des jeunes femmes qui disent mots pour mots mon expérience. » Pour elle : « Appelle ça le patriarcat ou la société de consommation, mais ça nous dépasse », poursuit la jeune femme.
Miroir, miroir…
Les applications de rencontre ne sont malheureusement pas des lieux magiques et doux, à l’abri des violences. Louisa Amara, podcasteuse témoigne justement que les applications de rencontre, sont des miroirs grossissant de la société. « Derrière les écrans ce sont des vraies personnes, mais des personnes qui se sentent protégés. Elles se comportent de manière plus violente que dans la vie réelle. » Dans un article récent, Slate explique que ces violences qui s’exercent en ligne, touchent en majorité les femmes : 56 % d’entre elles ont subi des avances insistantes et 50 % des propos obscènes ou à connotation sexuelle, alors même qu’elles avaient manifesté leur désintérêt.
Bien moins violent, mais tout aussi usant, un tout nouveau vocabulaire est apparu pour décrire les pratiques faites sur les applications de rencontre : orbiting, love bombing, ghosting. Derrière ces anglicismes se cachent des situations violentes, voire humiliantes, qui touchent certains utilisateurs. Alors qu’elle avait récemment redonné sa chance à Tinder, Marina s’était mise à fréquenter quelqu’un. « Au bout de 4 rendez-vous je me suis aperçue que ça n’allait pas le faire. Du coup, le mec m’a ghosté, sans raison, alors qu’on aurait pu avoir une discussion pour en parler et avancer », explique-t-elle.
Dans les entretiens menés, un autre sentiment ressort constamment, celui de l’assimilation des relations amoureuses à des biens de consommation courante : Comme pour les objets que l’on casse et que l’on remplace, les relations sont calquées sur ces schémas : « Si la personne ne t’intéresse pas ou même, si la personne fait un seul petit truc qui te déplaît, tu vas tout de suite passer à autre chose, parce que tu sais qu’il a toujours mieux ailleurs », explique Tibo (@viedetibo), qui utilise les applications de rencontre depuis longtemps maintenant.
Quitter (les applications), pour mieux se retrouver
44 % des utilisateurs français se disent aujourd’hui « insatisfaits » des applications amoureuses (Tinder, Badoo, Happn…) révélait un sondage de l’institut Cluster 17 pour Le Point, en novembre dernier. Dans un article Challenger affirme, en s’appuyant sur un cabinet d’étude, que le nombre de personnes utilisant au moins une fois par mois les applications de rencontre, est passé de 154 millions en 2021 à 137 millions au deuxième trimestre de cette année.
Les applications de rencontre sont-elles alors en voie de disparition ? Si pour Marina les personnes vont se détourner de la version actuelle, et que les grands groupes vont devoir opérer des changements du système actuel, Louisa Amara est plus nuancée. « Moi je trouve ça super de désinstaller les applications, mais… Après ? Comment ça se passe après ? Certaines personnes n’ont pas les moyens de rencontrer des gens, les applications c’est leur seul moyen... »
À lire aussi